Florence Leduc, présidente de l’Association Française des Aidants lance un programme de tribunes libres sur le site agevillage.com. Retrouvons la tribune de Novembre 2018.
Depuis que la question des proches aidants est sortie de son invisibilité, les propos et appréciations, chiffres et estimations sortent des rotatives !
Il faut dire qu’il est difficile de passer à côté, tant être confronté à la maladie d’un proche est courant, fréquent et « expérimenté » par bon nombre d’entre nous.
Et de plus, on ne le dira jamais assez, on assiste à une révolution de la longévité, celle qui touche tous les âges et toutes les catégories sociales, du petit enfant malade et/ou handicapé à l’adulte touché par une maladie chronique éventuellement invalidante, sans oublier les adultes âgés vivant longtemps, même en situation de dépendance !
Et voici comment continue à se développer le creuset de l’aidance.
Mais pendant le même temps, ce qui a profondément évolué, c’est la place des femmes dans la société, et notamment l’accès massif des femmes à l’emploi se rapprochant en cela de très près de celui des hommes.
Les derniers chiffres de l’INSEE estiment que presque 68 % des femmes sont en activité professionnelle ; les hommes eux en sont à 75 %. Ces chiffres sont très éclairants !
Cette évolution des mœurs et des pratiques ne nous raconte pas cependant qu’il faut plus de temps qu’il n’y paraît pour intégrer ce nouveau rôle des femmes ! Elles font des études, décident de gagner leur vie et d’avoir des enfants quand elles le souhaitent !
Et lorsque la maladie d’un proche les met à contribution, pour bon nombre de nos concitoyens, cela paraît normal, naturel… de là à continuer à être désignées comme aidantes…
Aidantes de leur jeune enfant à temps complet, elles sont aux premières loges ! Souvent poussées par l’insidieuse assignation : une jeune femme me disait récemment que sa famille ne supporterait pas qu’elle continue une activité professionnelle, même à temps partiel…
Ce n’est pas que les hommes soient absents ! Lorsque la femme est présente, ils se situent en deuxième ligne, pour des tâches loin du corps.
Lorsque la dépendance d’une personne est importante, les femmes sont huit sur dix à s’impliquer et parfois, et souvent, à renoncer à l’intervention des professionnels du soin, de l’aide… Elles se consacrent alors aux soins du corps, corps et âmes et s’il le faut le jour et la nuit.
Un article avait été publié sur ce sujet par des travailleurs sociaux qui avaient remarqué que les plans d’aide attribués dans le cadre de l’allocation personnalisée à l’autonomie faisaient genre !
Les plans d’aide attribués à des vieilles personnes aidées par un homme étaient supérieurs à ceux aidés par une femme…
De manière générale, les hommes sont nombreux à être devenus aidants, notamment de leurs épouses, parce qu’ils vivent plus longtemps !
Mais ils savent plus souvent que les femmes qu’ils ont des limites, et ainsi ils acceptent plus facilement le recours aux ressources des professionnels.
C’est comme si les femmes se sentaient redevables, voire coupables de leur « émancipation » jusqu’à s’oublier et notamment sur leur santé, leur vie sociale, allant parfois, sans le voir venir, vers des épuisements que l’on ne peut plus ignorer.
Mais voici de retour le chantier sur la dépendance !
Cela augure d’une nouvelle vision sur ces aidants et ces aidantes ; cela relève le niveau de cette question des aidants, d’une question sociétale à une question politique !
Une politique qui permettrait à chacun d’avoir une juste place, de savoir sur qui compter, entre sphère publique, sphère de proximité et sphère assurantielle ou mutualiste.
Les femmes et les hommes, aidants et aidantes, souhaitent faire évoluer le regard sur cette contribution à l’autre et à la société de façon librement consentie, en faisant en sorte que chacune et chacun puisse concilier cette fonction d’aidante et d’aidant avec les autres domaines de la vie, que ce soit la vie familiale et amicale, l’activité professionnelle, les loisirs…